Canac & Associés, société d'avocats

ESCROQUERIE A L\'INFORMATION - PRETS TOXIQUES SUITE

Vous avez sans doute remarqué la complaisance et le manque de recul, voire de professionnalisme, des médias, dès lors qu'il s’agit de monter en épingle un sujet vendeur ou dès lors que le sujet traité va dans le sens du vent…..
La démagogie ne nous quitte pas, meme en matière de commentaire de décisions judiciaires.

Un nouvel exemple nous est donné par les commentaires invraisemblables des médias concernant trois jugements rendus le 8 février 2013 par le Tribunal de grande instance de Nanterre dans des dossiers de prêts toxiques qui opposent la banque Dexia au département de la Seine Saint-Denis.
Les commentaires entendus tendaient à démontrer que le juge avait condamné la « vilaine » banque qui aurait tenté d’escroquer le « gentil » département. D'autres commentaires tournaient autour du fait que le département n'était pas un emprunteur averti ; mais un simple consommateur comme vous et moi qui méritait donc une protection accrue.
La mode est à l'outrance comme en témoignent les propos du Président de la République, à l'époque simple candidat, qui discourait sur le fait que son seul ennemi était la finance.
De quoi s'agit-il en fait ?

Le juge de Nanterre reconnaît que la banque n'a pas manqué à son obligation de mise en garde. Le juge rappelle que le département de la Seine-Saint-Denis, loin d'être un nain ou un angelot, ou encore un emprunteur non averti, à une grande pratique du type d'emprunt dont il s'agit et qu'il a conclu le contrat en toute connaissance de sa nature, de son mécanisme de fonctionnement, et des risques de hausse du taux d'intérêt généré par l'évolution des marchés financiers.

Le tribunal indique également que les fameux emprunts toxiques ne sont aucunement des contrats dont l'objet serait illicite.
Ces deux arguments devraient suffire à faire comprendre aux médias qu'avant tout commentaire il est utile, soit de prendre conseil auprès d'un sachant, soit de lire dans le détail les décisions rendues.
Pourquoi donc le juge est-il intervenu ? L'erreur commise par la banque est donc de nature purement formelle et j'imagine que le rédacteur du contrat sera félicité par sa Direction. En effet tout contrat de prêt doit, en France, contenir un taux de référence dénommé taux effectif globale ou TEG.
Ce taux est donné explicitement dans le contrat de prêt afin d'informer en toute transparence l'emprunteur du taux maximum qu'il devra honorer au titre du dit prêt.
Si ce taux ne figure pas ou si le calcul qui a permis son établissement est erroné, la sanction tombe sans pitié : le taux conventionnel du prêt est remplacé par le taux de l'intérêt légal. Cette solution est connue depuis le milieu des années 60 et n'a pas varié depuis.
Il ne s'agit donc aucunement d'une sanction fondée sur les caractéristiques des fameux prêts toxiques dont la légalité et licéité sont validées par la décision, pas plus qu'il ne s'agit de sanctionner la banque pour avoir manqué à son obligation de mise en garde, mais tout simplement d'un problème juridique formel.
Cependant, le raisonnement du juge en ce qui concerne le TEG parait très surprenant et d'opportunité.... En effet, il semble qu'un avant - contrat ait été accepté de façon irrévocable par le département, avant - contrat dans lequel ne figurait pas le TEG. Lequel n'apparaissait que dans le contrat définitif. Or, le juge étend, à mon avis au dela de l'esprit de la loi, l'obligation d’information et de protection. Le TEG figurait bien dans le contrat définitif, et considérer que le fait qu'il soit absent - mais était il calculable à ce moment là – de l’avant - contrat ou de la promesse de contrat, ne parait pas, de mon point de vue, sanctionable. J’ajoute que cette nouvelle jurisprudence ajoute au texte. Et que l’on pourrait bien voir la Cour de Cassation la sanctionner.
Cela ne veut pas dire dans l'absolu que toutes les décisions qui seront rendues dans le futur concernant des prêts toxiques suivront le raisonnement des juges de Nanterre. Nous avions affaire en effet dans cette affaire à un emprunteur parfaitement averti et qui en paye le prix dans la décision. La décision serait sans doute pas la même si, en lieu et place du département de la Seine-Saint-Denis, nous avions affaire à une collectivité territoriale beaucoup plus petite, qui pourrait quant à elle apparaître comme la « veuve de Carpentras ». Il n'y a en effet rien de commun entre le département de la Seine-Saint-Denis, la région Île-de-France, ou tel ou tel Centre Hospitalier Universitaire, et la commune de Saint-Martin-Vésubie ou celle de Roquebillière. Il est donc légitime que le juge adapte sa protection en fonction de la nature de l'emprunteur. Il faut protéger le faible et sanctionner le fort. C’est devenu un principe à la mode à défaut de
« faire payer les riches ».

22/02/2013